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Abu Simbel
Ce matin, pas question de traîner. Il est 4 heures, nous avons juste le temps d’avaler un café, et le car s’ébranle vers Abu Simbel, à près de 300 km d’Assouan. Un car climatisé, avec télé, frigo, toilettes (mais si !), qui va traverser le désert pour relier le cœur de la Nubie, au sud, et nous faire découvrir l’un des chefs d’œuvre de Ramsès II.
Tout le monde dort, ou presque, pendant que l’on avale les kilomètres dans un confort total.
J’entrouvre les rideaux car le soleil se lève. Et un lever de soleil dans le désert, ça ne se loupe pas. Le sable aux couleurs de cassonade se teinte de rose et d’orange. On s’attend à tout moment à apercevoir un renard et le Petit Prince, mais les fennecs restent cachés. Ré se montre enfin, et illumine la terre d’Egypte.
C’est une vision étonnante : de chaque côté du ruban noir de l’asphalte, du sable à perte de vue. Une sorte d’image de générique de film dans lequel nous avançons, au milieu des mirages.
Sur la gauche, bientôt, des collines qui ressemblent furieusement à des pyramides ensablées. L’archéologue qui sommeille en moi se réveille. N’y aurait-il pas là-dessous quelque monument caché, quelque trésor englouti par le temps ? Je rêve…
Nous arrivons enfin. Notre car s’immobilise au milieu de tous les autres qui sont venus comme nous (et arrivés avant – je me demande à quelle heure ils sont partis) visiter les colosses de pierre. Petite séance de patience aux guichets, fouille des sacs, car le Soudan et les extrémistes ne sont pas loin, et nous pénétrons dans l’enceinte. Nous commençons par faire le tour par l’arrière des deux collines reconstituées lors des travaux de l’UNESCO de 63 à 68 par des équipes égyptiennes et européennes. Un travail titanesque qui ne se conçoit vraiment que sur place. Nous cheminons en plein soleil, sans ombre aucune, et je suis heureux de porter un chapeau, ou plutôt une sorte de casquette dont les bords se déplient pour protéger le cou et les oreilles, et que j’ai retrouvé au fond d’une malle avant de partir. Ridicule peut-être, mais à l’abri ! Je ressemble à une sorte de rescapé de l’Africa Korps, l’uniforme en moins.

Notre guide nous fait asseoir à l’ombre des seuls petits arbres du site, où des militaires s’étaient abrités du cagnard, et sous l’œil d’un chat somnolent, commence à nous raconter l’histoire des temples, leur sauvetage, et ce que nous allons voir à l’intérieur.
Nous commençons la visite par le temple d’Hathor (celui de droite), élevée pour Nefertari, l’épouse du grand Ramsès. Gage de l’amour de Pharaon : c’est la seule fois qu’une reine a jamais été sculptée à la façade d’un temple, avec la même taille que celle de son époux. Les six statues colossales semblent sortir de la montagne, pour aller vers le soleil, à l’Est.

A l’intérieur, la fraîcheur est bienvenue. Les colonnes portent toutes la figure d’Hathor, et les peintures des murs honorent Ramsès et Nefertari. C’est l’enchantement qui recommence, comme à chaque fois lors d’une visite d’un temple ou d’une tombe en Egypte.

On ressort sous le soleil, qui n’a rien perdu de son ardeur, et on se dirige vers les plus gigantesques statues que j’aie jamais eu le plaisir de contempler, au Grand Temple de Ramsès II. 20m de hauteur ! Toutes représentent Pharaon souriant à l’éternité et attendant le soleil. Car c’est bien de lui qu’il s’agit. Tous les ans, aux solstices, il arrive depuis le Nil, traverse le temple dans toute sa longueur, et vient éclairer successivement les quatre statues placées au naos, tout au fond du temple.

Ré-Horakhy tout d’abord, puis Ramsès divinisé, puis Amon-Râ, coiffé de ses deux grandes plumes. Il paraît irradier la petite pièce. La quatrième statue, celle de Ptah, dieu des enfers et du monde souterrain, reste dans l’ombre. Un prodige technique réalisé avec la seule lumière solaire, et basée sur l’observation et le connaissance astronomique. Figés dans l’éternité, ils attendent le retour de l’astre-roi. On les a pillés, dépecés de leurs bras d’or, mais rien ne les affecte. Les rencontrer, là, au fin fond de l’Egypte, est un moment inoubliable dans la vie d’un homme. Le reste paraît fade. Le temps est effacé, comme l’espace, la chaleur, le bruit.


Il faut repartir, déjà. Repasser par la grande salle hypostyle aux fresques à la gloire du conquérant Ramsès, sous le regard des colosses de pierre hiératiques, les bras croisés sur le fouet et le crochet, le visage semblant casqué sous le pschent. Curieusement, personne ne parle haut, ici. Le respect règne dans la salle aux murs peints.

Dehors, le soleil est écrasant. On s’attarde une dernière fois à contempler la majesté des lieux, à tenter de fixer pour toujours cette vision phénoménale.
Le bout du chemin est atteint. D’où nous sommes, il faut retraverser le bout de désert, revenir au bateau, qui nous ramènera à Louxor. Bien sûr, nous allons visiter d’autres endroits magnifiques : Le Temple de Louxor, d’où vient l’obélisque de la Concorde, à Paris, l’incroyable temple aux jardins suspendus de la reine Hatsepsout, d’autres tombes dans la vallée des nobles. Un été n’y suffit pas. C’est pour cela que l’on revient en Egypte, une fois qu’on y a goûté.
Le Nil attend toujours ceux qui l’aiment.

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