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Edfou
Au
réveil, nous sommes toujours à quai. Mais ce n’est
pas le même. Surprise ! Nous sommes à Edfou (plus on Edfou
plus on rit, aurait dit l’Almanach Vermot), cité du dieu
Horus, à tête de faucon.
Après le petit déjeuner, nous descendons à terre.
Direction le temple, dans des calèches noires et pimpantes, tirées
par des petits chevaux le plus souvent efflanqués mais vaillants
– Tous derrière et lui devant, comme dans la chanson de Brassens.
Nous traversons les souks, où les vendeurs nous proposent des chemises
blanches, légères et brodées, magnifiques. Un conseil
: achetez-en une tout de suite, c’est là où nous les
avons trouvées le moins cher, et on ne revient pas à Edfou
après. Et honnêtement, pour le prix…1€ ! ne le
répétez pas.
Un peu collants quand même, les vendeurs. Mais on se fait à
tout, et avec un peu de vocabulaire égyptien, on s’en tire.
Les enfants virevoltent autour de nous, tout sourire dehors. Un conseil,
prévoyez quelques cartons de stylos-billes, ça aide, notamment
dans les tractations ou pour se débarrasser d’un (jeune)
gêneur.
Nous arrivons au temple d’Horus, tout à
sa gloire, à celle de ses parents, Isis et Osiris, et à
celle de son épouse, Hathor, qui venait le visiter une fois l’an
depuis Denderah, au Nord de Thèbes (Louxor). La scène est
d’ailleurs représentée sur le mur intérieur
du pylône de gauche.
A la gauche du mur formé par les deux pylônes,
un mur en briques crues témoigne encore du mode de construction
des anciens. Il est toujours debout, sentinelle du temps, et montre avec
quel soin les ouvriers de ce temps-là bâtissaient.
L’entrée est gardée par une paire de gardiens goguenards,
qui ont fort à faire avec ces hordes ininterrompues de touristes
déversées par les bateaux, et aussi par une paire de faucons
énormes, à l’œil sévère. Au plafond
de l’entrée subsiste encore quelques traces de cette superbe
couleur bleue qui ornait les temples, et que l’on retrouve sur certains
scarabées.
A l’intérieur, après la magnifique
cour dallée, un autre Horus coiffé du pschent (la double
couronne) garde la porte de la salle hypostyle. Les chapiteaux papyriformes
de toute beauté sont encore surmontés du toit, ce qui permet
de se faire une idée de l’éclairage qui régnait
lorsque le temple était intact. Au plafond subsistent d’ailleurs
encore quelques peintures magnifiques.
Faire des photos dans ces endroits magiques relève
de la performance si l’on décide de n’avoir aucun(e)
touriste sur le cliché. Il m’a fallu attendre cinq bonnes
minutes pour qu’une jeune anglo-saxonne se décide à
s’extraire du socle de l’Horus-roi pour pouvoir en toute quiétude
appuyer sur le déclencheur. La copine de cette dernière
n’était manifestement pas familière avec cet instrument
barbare que l’on nomme caméra, et avait, de plus, des prétentions
artistiques. Je vous laisse imaginer la scène. Cela a d’ailleurs
bien failli se terminer en échauffourée.
Mais les vacances, c’est les vacances, et on
a tout le temps devant soi. Sauf le guide, qui s’inquiète
de ne pas récupérer ses ouailles. Retour donc au bateau,
qui lève l’ancre aussitôt, vers Kom Ombo.
Après le déjeuner, je monte déguster mon café
sur le pont. La petite brise est toujours présente, et fait oublier
la chaleur de l’après-midi.
Soudain, sur tribord, une série de tombes creusées à
même le roc se présentent. C’est le Djebel Silsilé.
Un des lieux les plus spectaculaires d’Egypte, que malheureusement,
on ne visitera pas. Dans le désert, des dizaines de tombes aux
entrées sculptées, où pharaons et grands seigneurs
firent ériger des stèles et des cénotaphes, et se
déroulaient d’importantes cérémonies lorsque
le Nil était au plus bas. Ce jour-là, on priait, on immergeait
des statuettes consacrées dans le fleuve, pour favoriser la crue.
On surveillait ensuite celle-ci de très près, grâce
aux nilomètres comme celui que nous verrons au temple de Kom Ombo.
On entre maintenant dans l’ancienne Nubie.
Le bateau s’éloigne de l’endroit
magique, et tout le monde surveille sa montre pour ne pas rater le thé
de 5 heures…
Les berges sont maintenant bordées de milliers de roseaux, où
l’on imagine aisément les anciens chassant le canard à
l’aide des bâtons de jet, sortes de boomerangs antiques. Les
longues tiges vertes ondulent sous la brise, telle une petite mer verte.
Où sont donc les canards, à propos ?
 Voici
une langue de désert, sur tribord, qui s’avance jusqu’au
bord. Sable aride brun-roux, et rochers clairsemés. De l’autre
côté, une palmeraie luxuriante évoque le jardin d’Eden.
Des centaines de palmiers, de cocotiers, d’arbres, forment un paysage
dense aux dizaines de verts différents.
A l’arrière-plan, de grands pylônes
électriques, arbres de fer effeuillés, ont l’air anachroniques.
D’un côté la vie, de l’autre la mort. C’est
un vieux thème égyptien, qui réservait le désert,
domaine de Seth, aux disparus et aux tombeaux. Cette constante établit
les temples sur la rive est, et les tombes sur la rive ouest (à
quelques exceptions près).
Dans le ciel de la palmeraie plane un faucon. Il a
déployé ses ailes (divines ?) et chasse en planant de longues
minutes tandis que le bateau passe. Un ibis passe à portée
du rapace. Un bref mouvement d’ailes, mais l’oiseau blanc
s’éloigne, et le faucon, après encore quelques tours,
se pose sur la cime d’un palmier.
Tout au long du trajet, les sifflets, les bonjours des enfants, fusent.
Les bras s’agitent, et nous répondons à ces signes
de bienvenue. Rarement un peuple aura été si accueillant
avec les touristes, et c’est l’un des secrets de l’amour
que ceux qui ont été en Egypte portent à ce pays
Nous
arrivons doucement à Kom Ombo. A deux pas de la rive, sur une petite
éminence se dresse les colonnes du temple dédié à
Sobeck, le crocodile, et Haroeris à tête de faucon (lui aussi
– je vous jure qu’il y a de quoi s’y perdre…).
L'après-midi est tellement agréable qu'il faut vraiment
s'arracher aux délices de la piscine et des conversations pour
aller enfiler un pantalon et une chemisette.
Sur la sono du bord, Madonna chante un vieux succès. On se sent
très loin de la chanteuse et de la civilisation moderne.
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